A Vincent Peillon…Ce qu’en pensent les Pétroleuses
Monsieur le Ministre de l’Education nationale,
Vous ne recevrez jamais cette lettre. Elle se perdrait certainement dans
les couloirs de votre ministère dans l’attente qu’un œil bienveillant…
Non elle ne sera jamais postée car après une dizaine d’années
d’enseignement, je ne crois plus aux miracles. Je ne vous incrimine pas
personnellement d’autant que vous êtes nouvellement nommé mais votre
Institution est d’une telle rigidité que je ne vois pas comment, malgré vos
bonnes intentions (tout comme vos prédécesseurs, il faut le dire), vous
parviendrez à changer la donne.
Notre école va mal, elle souffre. Ce n’est pas un fait nouveau. Chacun y va
de sa petite réforme sans toucher à l’essentiel…sans se poser les questions de
fond. Et quand la rentrée s’annonce, on lance en pâture quelques mesures
(quelques postes créés par-ci par-là, révision des vacances, réforme des
programmes….). Et l’essence même de l’école, qu’en faites-vous ?
Mon plus jeune fils vient de faire sa rentrée en terminale ES. Effectif de
la classe : 37 élèves. Remarquez c’est mieux qu’il y a 2 ans avec sa sœur
en terminale L et 40 élèves ! Conditions idéales pour travailler cela va
de soi. Autant dire que ce problème des effectifs touche tous les niveaux y
compris les classes en primaire. Et un constat affligeant : l’élève lambda
suit, et suivra même à 60 dans une classe. Que dire des autres, et ils sont
nombreux, qui ont besoin de plus d’attention ? Vous me direz que c’est un
faux problème puisque notre taux de réussite au baccalauréat dépasse
allègrement les 80-85 %. On n’a jamais vu autant de mentions à cet examen. Sauf
que :
-ils ne maîtrisent pas la langue
française,
-ils n’ont guère ou si peu de connaissances,
-les jurys reçoivent des consignes et doivent fermer les yeux sur les
incompétences…
L’an dernier, une jeune fille m’a raconté que son examinateur lui a demandé
combien il lui fallait de points pour obtenir son baccalauréat et lui a donné
les points manquants alors que sa prestation était mauvaise…Je dis bravo.
Rien d’étonnant que les résultats dans l’enseignement supérieur soient
nettement moins bons. La sélection se fait à ce moment-là, naturellement.
L’université ne veut pas de cancres. Mais
ce n’est pas vraiment un problème de cancres mais de mentalités.
Pourquoi vouloir à tout prix un taux de réussite de 85 % au
baccalauréat ? Est-ce un signe d’intelligence que d’obtenir ce
diplôme ? Jusqu’à preuve du contraire, heureusement…non… l’intelligence ne
se mesure pas avec les diplômes…Pourquoi tous les jeunes devraient-ils suivre
la même filière alors qu’ils n’aiment pas l’école, ils y restent …
jusqu’à décrocher ce fameux pactole : le bac. Aujourd’hui, il est de plus
en plus fréquent de trouver en terminale, des jeunes âgés de 20, 21 ans voire
nettement plus (le plus âgé de mes élèves en terminale aura 25 ans cette
année) !! Quelle perte de temps, Monsieur le Ministre.
Pourquoi maintenir absolument ce collège unique ? A quoi cela
sert-il ? L’égalité des chances est un leurre, et vous le savez bien. Le
milieu est si prégnant (et les études sont implacables à ce sujet) :
c’était vrai il y a trente ans, cela l’est toujours, les études supérieures
sont réservées aux classes sociales les plus élevées de la société. Un fils de
prof a plus de chance de faire des études qu’un fils d’ouvrier ! C’est
malheureux, mais c’est ainsi. L’école ne peut pas se substituer entièrement à
la famille, au milieu. Ou alors donnez-lui les moyens.
Notre système scolaire n’est pas bon et votre Institution ferme les yeux.
Il ne faut pas faire de vague, c’est dérangeant. Parlons du problème de la
triche. Il paraît que les nouvelles technologies ont du bon…Je veux bien mais
dans les classes, c’est faux. Les élèves sont accrochés à leur téléphone
portable du début à la fin du cours. Ils sont distraits en permanence par les
sms reçus des copains/copines (voire... pire de leurs parents !). Ils ne
portent plus de montres et ont leurs yeux rivés sur leur minuscule petit
écran…Tous les lycées sont équipés de connexion et les élèves sont toute la
journée sur Facebook et autres sites que je qualifierai d'intelligents !!! Leurs téléphones
servent de pompes…La triche est omniprésente, Monsieur le Ministre, et vous
êtes passif et complice. Pourtant la solution est simple : enlevez-les,
bannissez-les des établissements. Je ne fais pas partie de l’Education nationale et
j’en suis fort aise car non seulement mes élèves ont de bons résultats aux
examens nationaux (officiels organisés par votre ministère) mais je suis maître
dans ma classe : je confisque les portables qui sont posés sur mon bureau
pendant la durée des cours…Mais je sais que mes amis profs de l’Education
nationale ne peuvent pas agir de la sorte car leur direction ne les soutient
pas avec les familles qui veulent pouvoir joindre à tout moment leurs enfants. L’intervention des parents qui se mêlent de tout, n’est pas une bonne
chose pour nous, enseignants. Laissez-nous faire dans nos classes.
Vous êtes contre le redoublement qui n’a pas fait ses preuves. Je veux bien
l’admettre mais que faire des jeunes en difficulté qui n’ont pas les bases et
qu’on laisse allègrement passer d’une classe à l’autre jusqu’à ce qu’ils se
heurtent à l’infranchissable ? Trouvez-vous normal qu’en BTS, dans une
copie double, on comptabilise plus de 120 fautes ? Combien de fois ai-je
entendu mes collègues dire à voix basse, « cette copie est truffée de
fautes, les phrases ne veulent pas dire grand-chose mais son idée est
intéressante, alors j’ai fait abstraction… ». Et bien moi, Monsieur le
Ministre, je m’y refuse. Pourtant, je travaille dans des sections
professionnelles et je suis heureuse de venir en aide aux élèves en difficulté.
Mais pourquoi toujours vouloir faire la classe pour la masse ? Les élèves
qui ont des capacités, qu’en faites-vous ? Ils doivent en permanence
attendre les autres. Il faut aussi penser à eux et les nourrir
intellectuellement. Il y a quelques années, une institutrice m’a expliqué
qu’elle ne faisait pas la classe uniquement pour mon fils, qu’ils étaient 30 et
qu’elle devait attendre que le 30ème comprenne. Louable comme
attitude, certes, et les têtes de classe pendant ce temps, que font-ils ?
Ils s’ennuient, s’enlisent dans la facilité…Chahutent voire perturbent la
classe. Je ne suis pas élitiste quoique…Mais il faut une école pour tous, quel
que soit le niveau et l’aptitude de chacun. Il est temps de passer à un autre
système et faire du cas par cas. Car c’est faux, tous ne parviendront pas aux mêmes
résultats alors adaptons-nous à chacun. C’est possible, cela demande de l’investissement,
de la patience…cela relève de la seule volonté du prof…à condition d’avoir des
effectifs raisonnables.
Cessons d’être rigide dans notre enseignement. Cessons d’utiliser ces
manuels qui nous enlèvent une liberté d’enseignement. Arrêtez de noter les
professeurs par l’intermédiaire d’inspecteurs qui appliquent un règlement sans
se soucier de savoir si la méthode employée par le prof plaît aux élèves. Les élèves d'aujourd'hui ne ressemblent pas à ceux d'hier. Je
peux vous le dire, je ne suis pas conventionnelle dans mes méthodes et ça
marche !! Mais j’ai aussi la chance d’avoir des chefs d’établissement qui
croient en mes méthodes et qui me laissent faire !!!
Cessez d’envoyer des jeunes fraîchement diplômés dans les banlieues
difficiles. Notre métier est difficile, de plus en plus difficile. Il y a tant
de jeunes qui ont la vocation mais qui sont cassés d’entrée car peu soutenus, peu
préparés au terrain.
A quoi cela sert-il de faire des années d’études, d’accumuler des
connaissances pointues sans jamais pouvoir les utiliser ? Pourquoi ne
privilégiez-vous pas la pratique ? Avoir des connaissances, ne signifie
pas être bon pédagogue. Les profs inaptes à l’enseignement sont bien trop
nombreux aujourd’hui et pourtant ils sont reconnus car ont passé ce sacro-saint
concours dénommé Capes ou Agreg. Mais ils sont mauvais car ne savent pas s’adapter
à leurs élèves.
Cessez de dénigrer les enseignants qui n’ont pas le Capes ou l’Agreg car ne
rentrent pas dans un moule alors qu’ils ont la vocation et sont ou seraient de
très bon pédagogues. J’ai à ce sujet une petite anecdote. Il y a quelques
années, j’ai passé le fameux Capet (équivalent du Capes mais pour enseigner
dans un lycée professionnel). J’ai été admissible à l’oral, mais étant déjà
enseignante (dans le privé, veuillez m’en excuser), je n’ai pu suivre la
préparation pour cet oral de concours qui fait si peur. J’ai passé trois
épreuves : une en français, une en histoire/géographie et une dite « professionnelle ».
Sur ces trois épreuves non préparées, j’ai une bonne note à la dernière,
logique quelque peu habituée à être dans une classe ; par contre, en français,
ce fut la catastrophe (j’avais oublié d’apprendre par cœur toutes les figures
de style…Il en existe au minimum une centaine…en bac professionnel, j’en
utilise maximum 5/6 avec mes élèves). Mais le summum, ce fut la géographie (pas de chance, je suis historienne de
formation mais suis tombée sur la géo) : il a fallu que je décortique une
vieille carte de la région marseillaise qui datait des années 1960/1970, où la
loupe aurait été la bienvenue tellement l’écriture était minuscule et je n’avais
pas appris tous les acronymes présents sur cette carte (que je découvrais pour
la première fois de ma vie). Par contre, entre les membres du jury et moi-même,
il y eut ce qu’on appelle un véritable échange…Savez-vous ce que m’a dit le
jury à la fin de l’épreuve ? « Pourquoi n’avez-vous pas préparé cette
épreuve ? C’est tellement dommage. Vous avez le profil (merci je le savais
déjà !) mais il vous manque des connaissances ». Ah oui, ces fameux
acronymes !!! Vous savez ce que j’aurais fait à la place de ce jury, j’aurais
fait abstraction de la grille d’évaluation. Mais l’Education nationale se doit
d’être rigoureuse, de respecter les règlements (enfin quand cela l'arrange). Tant pis,
je suis aussi bien dans le privé et continue d’être appréciée en tant qu’enseignante,
et je contribue aux bons pourcentages de réussite du baccalauréat.
Ma lettre est un peu décousue, Monsieur le Ministre de l'Education nationale, mais voyez-vous, quand
on voit que tout « fout le camp » (pardonnez cet écart de langage),
il est difficile d’aborder le sujet de l’école sans s’enflammer.
P.S : Petite précision Monsieur le Ministre, titulaire d'un DEA en histoire, je fais actuellement un doctorat d'histoire. Je n'ai peut-être pas le Capes mais suis plus diplômée que la plupart des enseignants de l'Education nationale ! Cherchez l'erreur !!
P.S : Petite précision Monsieur le Ministre, titulaire d'un DEA en histoire, je fais actuellement un doctorat d'histoire. Je n'ai peut-être pas le Capes mais suis plus diplômée que la plupart des enseignants de l'Education nationale ! Cherchez l'erreur !!
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